La passion du quatuor
Vendredi 24 janvier 2020
Cette année encore, l’Opéra de Bordeaux a programmé un seul concert de quatuor à cordes : il ne s’agit pas de le manquer ! D’autant qu’il s’agit du jeune et brillant Quatuor Arod dont la carrière mondiale a été propulsée par son premier prix au Concours de l’ARD de Munich en 2016. Il jouera ce soir Haydn, Beethoven et Schubert mais vient de publier un CD de musique de la Seconde école de Vienne, « The Mathilde Album », avec la participation de la non moins brillante soprano Elsa Dreisig qu’on entendra jeudi prochain au Grand-Théâtre. Rencontre avec le premier violon Jordan Victoria.
Devenir musicien professionnel était-il une évidence pour vous ?
Je suis né dans une famille de musiciens, j’ai toujours été entouré de musique, d’opéra, de ballet, d’art et de culture. Mon père est membre du chœur de l’Opéra de Bordeaux, ma mère était danseuse, également à l’Opéra. Nous faisions tous de la musique : une de mes sœurs est aujourd’hui harpiste solo de l’orchestre du Gewandhaus de Leipzig, et l’autre, bien que très bonne pianiste est chef pâtissière d’un grand palace, une autre forme d’art, plus gourmande !
Pourquoi avoir choisi le violon ?
Je ne voulais pas jouer du même instrument qu’une de mes sœurs ainées. Mon choix s’est fait à l’âge de 5 ans en écoutant ma sœur dans un duo pour violon et harpe. Une émotion absolue lors d’un concert de Maxim Vengerov puis une rencontre avec lui en coulisses ont forgé ma détermination.
Pourquoi choisir alors le quatuor plutôt que la carrière de soliste ?
Le quatuor n’était pas le répertoire que nous écoutions à la maison et je rêvais d’interpréter les grands concertos. C’est au CNSM de Paris que j’ai découvert cet univers et qu’est née ma passion. La recherche de la pureté d’harmonie et de la cohésion de groupe, la profondeur du répertoire, m’ont complètement séduit.
Est-ce difficile de constituer un quatuor ?
C’est une histoire de rencontres, musicales naturellement, mais surtout humaines. La technique, la rigueur, la musicalité, le travail du son, le choix des œuvres ou les orientations du quatuor sur plusieurs années, et enfin, les personnalités forcément, et peut être heureusement, différentes, déterminent un équilibre qui va donner son identité propre à un quatuor, sa couleur unique.
Mais la vie d’un quatuor n’est pas un long fleuve tranquille…
Nous étions étudiants lors de la constitution du quatuor, en 2013, mais après un travail acharné couronné en 2016 par le prestigieux concours de l’ARD, notre altiste Corentin Apparailly a souhaité s’orienter vers la composition. Une séparation dans un quatuor est aussi traumatisante qu’une rupture amoureuse, autant pour les trois qui restent que pour celui qui part, car nous étions, et sommes toujours comme des frères. Voulions-nous continuer sans lui ? Allions-nous trouver quelqu’un qui fonctionnerait comme nous, qui aurait les mêmes ambitions pour le groupe ? Sur les conseils de notre mentor Matthieu Herzog qui avait lui aussi quitté le quatuor Ebène peu de temps avant, nous avons fait appel à Tanguy Parisot pour notre première prestation au Konzerthaus de Vienne. LA chance nous a souri, Tanguy est exceptionnel. Peu d’altistes pouvaient maîtriser dans un délai aussi court un répertoire aussi difficile. Il nous a paru serein, brillant et talentueux, et quelques concerts plus tard, il intégrait le quatuor comme membre officiel. (…)
– François Clairant